Une très vieille dame, Geneviève Briand-Lemercier ? C’est ce que l’état civil indique : quatre-vingt-onze ans. Mais en même temps une toute petite fille. Elle ne résiste à aucune tentation de consommation, et se trouve réduite, chaque fin de mois, à vendre chez Gibert quelques-uns de ses livres. Et elle suit toujours à la lettre la consigne, donnée par son père il y a trois quarts de siècle, d’écrire chaque jour quelques lignes de son journal.
Et pourtant, depuis quelques mois, l’angoisse la point, de façon de jour en jour plus aiguë. Madame Bertrand, la prestigieuse professeur dont elle paie à prix d’or les leçons de graphologie et d’astrologie transcendantale, lui donne la consigne inverse : ne plus écrire, et même « désécrire » ce qu’elle a précédemment écrit. C’est que, elle le sait avec la certitude authentiquement scientifique de la graphologie et de l’astrologie, le poids de ces écrits est un obstacle à la longévité de Geneviève. Il est même étonnant qu’elle ait malgré eux atteint un âge aussi avancé. Pour continuer à vivre, pour égaler et surpasser le record encore imbattu de Jeanne Calment, voire pour atteindre l’Immortalité, il faut « désécrire ».
Geneviève désécrit. Elle conserve toutefois, mais réduits à de brefs coups de phare, les épisodes les plus marquants de sa vie : les terreurs de son enfance et leurs résurgences dans sa vie d’adulte, son mariage, l’occupation allemande et la captivité de son mari, ses amours féminines…
Peu à peu cependant, elle s’interroge sur la consigne de Madame Bertrand : comment l’écriture peut-elle être si néfaste ? Ne vaudrait-il pas mieux, somme toute, tuer les êtres plutôt que les lettres ? Elle s’y essaie. Avec un succès limité. Mais le hasard lui sera d’un précieux secours.
Finira-t-elle par atteindre l’Immortalité ?