Pourquoi travailler sur les moines de la Renaissance? Ces adeptes têtus du mépris du monde, crasseux et ignorants, paillards à l’occasion, méritent-ils plus que les sarcasmes d’Érasme, de Luther ou de Rabelais?
Pourtant, la Renaissance fut dans le royaume de France un moment de renouveau de la vie monastique. Les couvents se multiplient, leurs réformes aussi. Anciens religieux issus de maisons réformées, Érasme, Rabelais et Luther connaissent bien cette vitalité. Dès lors n’est-ce pas la prétention des religieux à incarner la perfection chrétienne plus que leurs turpitudes qui suscite autant d’ironies et de critiques?
Jean-Marie Le Gall prend le risque de travailler sur ces moines dans une période où l’historiographie les voue ordinairement à la décadence. À travers une multitude de sources (sermons, statuts, registres capitulaires, comptes, procès…) il entreprend une étude fouillée de ce monde des réguliers, qui attire ou qui révulse mais qui ne laisse jamais les contemporains indifférents.
Sa grande originalité est de regarder du côté de ceux qui sont réputés avoir refusé la réforme – les déformés – et de constater qu’être contre une réforme ne signifie pas être contre toute forme de réforme. Dès lors, dans leurs adhésions comme dans leurs refus, les religieux apparaissent bien être des acteurs essentiels de ce temps des réformes.
Ce livre enrichit donc la compréhension du travail de l’idée de réforme dans la société avant la Réformation. Qui réforme, pourquoi et comment ?