Légitimée à défaut d’être légalisée, l’insurrection est un recours possible. Elle comprend des degrés qui permettent d’ouvrir un large spectre à ses différentes manifestations. Entre sens propre et sens figuré, le mot couvre en effet des contestations très variées de formes d’autorité non moins variées. Les contributions réunies dans ce volume prennent en considération celles qui ont une couleur politique et sociale. Leur ampleur chronologique, spatiale et numérique est variable, mais toutes s’inscrivent dans une volonté de contester un pouvoir établi ou une autorité dont on remet en cause la légitimité ou la légalité.
L’insurrection suggère l’emploi de la violence armée. Elle s’accompagne d’images récurrentes parmi lesquelles la barricade occupe une place centrale. Elle incarne le triomphe de l’occupation de l’espace public par des forces politiques qui, s’opposant au pouvoir en place et, depuis l’avènement de la démocratie parlementaire, aux formes légales d’opposition, entendent s’en affranchir. En ce sens, la chose insurrection existe avant que le mot n’apparaisse. Attesté depuis la fin du xive siècle, soumis à des éclipses plus ou moins durables, le mot n’a jamais déserté totalement le vocabulaire politique. Et sa dimension parisienne, sans être exclusive, est prépondérante dans l’espace français.
Certaines séquences ont particulièrement nourri cet imaginaire de l’insurrection, relayées jusqu’à nos jours par une représentation historique qui a mis longtemps à déconstruire la légende pour formuler un discours fondé sur une lecture critique des sources. D’Étienne Marcel à Mai 68 en passant par les guerres de Religion, la Fronde, les journées révolutionnaires, de 1789 à la Commune de Paris, ou le soulèvement d’août 1944, la séquence insurrectionnelle apparaît propice à la production de récits partisans, soucieux de s’emparer de l’événement pour l’enraciner dans la mémoire collective.