Le 23 janvier 1721, à Aix-en-Provence, Marguerite Nouvelle qui est âgée de vingt ans et qui habite près de la porte Saint-Jean, se réveille. Après avoir vaqué à ses occupations toute la matinée, elle se met à table vers midi. Alors qu’elle entame son repas, elle est frappée d’un malaise et commence à ressentir les premières manifestations d’un mal qui lui provoque une alternance de frissons intenses, de spasmes et de fièvres brûlantes. Puis, prise de nausées, sa tête est assaillie par des douleurs aiguës. Quelques heures plus tard, sa peau se couvre de charbons et de bubons qui lui indiquent qu’elle est atteinte de la peste. Elle n’y survit pas plus de quatre jours. Son cas n’est pas isolé et nombreux sont ceux qui succomberont comme elle. Ils furent 140 000 à avoir connu une expérience identique en Provence entre l’été 1720 et la fin de l’année 1722. Qu’ont-ils vécu entre l’apparition de leurs premiers symptômes et leur mort ? Quels ont été les derniers instants des acteurs de cette tragédie terrible ? Dans quel monde infernal ont-ils été plongés en attente de leurs trépas ? Quels combats ont-ils mené pour résister à leur sort ? Ce sont à ces questions que Frédéric Jacquin tente de répondre. En s’appuyant sur un matériau archivistique exceptionnel, il exhume les fragments de vies d’hommes et de femmes anonymes du dernier épisode pesteux qui frappa le royaume de France. Il essaie de reconstituer leur parcours d’épouvante dans des cités frappées par la contagion et de comprendre dans le cours atroce de la mort épidémique, en quoi celle-ci constituait une expérience singulière et dramatique.
Frédéric Jacquin est docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne. Ses travaux portent sur l’histoire des pestes sous l’Ancien-Régime. Il est notamment l’auteur de Marseille malade de la peste 1720-1722 (Presses Universitaires de France, 2023). Il mène actuellement des recherches sur les grandes pestes lyonnaises des XVIe et XVIIe siècles.