Cet essai se propose d’analyser l’ensemble de l’œuvre de Charles Chaplin à travers le thème du double. Chaplin est un artiste qui fut travaillé à la fois par le désir de totalité et par la menace toujours présente de la division psychique. C’est cette menace qui est exprimée mais aussi conjurée par toutes les formes et figures de doubles qui parcourent son œuvre.
Les scènes matricielles qui ont fourni au comédien très précoce qu’était Charles Chaplin la matière de son cinéma sont d’abord envisagées, suivies d’une analyse de la métamorphose de Chaplin en Charlot et de ce que l’auteur appelle le « complexe de Jekyllhyde », c’est-à-dire la coexistence de deux tendances psychiques et comportementales antagonistes.
Puis sont évoqués et analysés successivement les alter ego (l’enfant du Kid, le chien d’Une vie de chien, la femme de L’Opinion publique, des Temps Modernes, et de La comtesse de Hong Kong, l’assassin de Monsieur Verdoux, le vieux clown des Feux de la rampe et le roi déchu d’Un roi à New York), puis les « moi » oniriques (les scènes de rêve dans Le Kid, Une idylle aux champs, Le Cirque, Les Temps modernes).
Enfin, dans « Les doubles inverses », il est question du double jeu du double je, du sosie (Le Dictateur), du travestissement (Mamz’elle Charlot), de la méprise (Les Lumières de la ville, La Ruée vers l’or), et de l’imposture (Le Pèlerin).
Toutes ces figures font à la fois la richesse et le caractère problématique de l’identité chaplinesque (dans sa dimension burlesque), et chaplinienne (dans sa dimension dramatique), en quoi elle semble singulièrement actuelle.