Ville rebelle, ville insoumise, Bordeaux fait figure, au xviie siècle, de môle de résistance face à l’autorité royale sans cesse grandissante. Lorsque le jeune Louis XIV se présente aux abords de la cité en 1650, il trouve portes closes pendant près de deux mois… La capitale de Guyenne joue alors l’un des plus beaux et des plus tragiques épisodes de son histoire: la Fronde. Deuxième foyer de rébellion après Paris, la cité est le refuge du parti des princes. Mais c’est oublier que le soulèvement fut initié par ceux qui sont alors les maîtres de la ville: les magistrats du parlement. Arnaud de Pontac, Bernard de Pichon, Lecomte de Latresne… Au sein de la cité, tout dit la présence et la puissance de ces hommes, des hautes tourelles du palais de l’Ombrière aux majestueuses façades du cours du Chapeau Rouge, du gibet de la place aux distributions d’aumônes, des chapelles funéraires à la procession de la Fête-Dieu… La compagnie, forte d’une centaine de magistrats, domine alors la ville, presque sans partage. La jurade, comme les autres institutions de la cité, se soumet à son autorité. Même le gouverneur de la province, le célèbre d’Epernon, aussi bien que les intendants savent que l’on ne peut braver impunément le parlement de Bordeaux. Mais cette aura peut-elle se maintenir au temps du triomphe de l’absolutisme royal? Durant ce règne qui fut celui d’une supposée reprise en main des cours souveraines, comment réagit l’un des parlements les plus indociles du royaume? D’une régence à l’autre, de 1643 à 1723, Bordeaux ne cesse donc d’être au cœur des préoccupations royales et le souverain garde toujours un œil sur cette cité rebelle, sur ces magistrats gascons volontiers sujets aux mouvements d’humeur. Qu’éclate la révolte du papier timbré, et c’est un exil de quinze ans qui s’abat sur toute la compagnie. Aussi, l’histoire du parlement de Bordeaux durant la seconde moitié du xviie siècle fournit-elle une clé d’analyse de la marche à l’absolutisme. Loin des déclarations péremptoires d’un Colbert ou d’un souverain soucieux d’édifier son successeur, cet ouvrage propose un regard complémentaire, sinon contradictoire, d’une réalité habituellement perçue depuis Paris. On y découvrira que le pouvoir royal use de méthodes beaucoup moins radicales qu’on ne l’a souvent cru. Le pragmatisme monarchique est fait de négociations, de retours en arrière… On compose, on évite l’affrontement direct en se ménageant relais et soutiens au sein du groupe. On comprendra surtout que l’opposition n’est que l’un des aspects de la relation roi-parlement et que ce n’en est pas le mode majeur. Rouage indispensable de la monarchie, le parlement et ses hommes sont avant tout des juges et se conçoivent d’abord comme des fidèles serviteurs du roi.
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INTRODUCTION
Chapitre 1: Le Parlement immuable
Le troisième Parlement de France?
Aux origines du Parlement de Bordeaux
Juger, enregistrer, administrer: les compétences du Parlement
Les chambres du Parlement: une structure qui se précise
Un Parlement dans sa ville: le Palais de l’Ombrière
Un monument imposant au cœur de la cité
Entre exigence de faste et délabrement, les ors du Palais de l’Ombrière
Un palais immuable dans son agencement
Le Parlement au cœur de la vie de la cité
Le Parlement, moteur de l’activité urbaine
Une ville au rythme de la cour
Chapitre 2: Le Parlement de Bordeaux dans la Fronde
Le théâtre de la Fronde
Le décor
Les interlocuteurs du Parlement
La dramaturgie de la Fronde
Les temps de la Fronde
La Fronde bordelaise: une chronologie de la rupture
1649-1650: de l’année du Parlement à la Fronde des Princes
La troisième Fronde: retour à Bordeaux
La Fronde, un échec parlementaire?
La Fronde parlementaire existe-t-elle?
L’échec du Parlement: une question d’incompétence?
Le «maniement des hommes»:
le Parlement à l’épreuve du jeu des factions
Chapitre 3: L’abaissement de l’autorité parlementaire
La reprise en main de la cour au lendemain de la Fronde:
la mise en place des grands axes de la pratique absolutiste
Contrôler la cour
Retour sur le «maniement des hommes»: l’adaptation d’une méthode
ancienne aux nouvelles réalités du second xviie siècle
Rallier les cœurs: le Parlement et son Roi
La crise de 1675 et l’exil de la cour
Un Parlement dépassé par la crise
1675-1690: un exil de quinze ans…
Une cour de justice à La Réole:
les conséquences de la translation sur l’activité du Parlement
Du zénith du Soleil à l’aube nouvelle de la Régence,
retour à l’âge d’or des Parlements? (1690-1723)
De l’apogée à l’agonie: le Roi se meurt…
… «Vive le Régent»?
Chapitre 4: Devenir magistrat…
Acquérir une charge: le marché des offices
Les disponibilités de charge
Les «respirations» du Parlement
Le prix d’une charge
Entrer dans la carrière…
Des bancs de l’Université à ceux du Parlement: le cursus idéal
De la théorie à la pratique: un fréquent recours aux dispenses
Faire carrière?
Une vie au Parlement. Le destin du simple conseiller
Peut-on parler d’une carrière au sein du Parlement?
La mobilité intraparlementaire
Hors du Palais, point de salut?
Chapitre 5: Être magistrat
Être magistrat, une sinécure? Le travail quotidien
Le magistrat, agent du Roi
Le magistrat administrateur
Le magistrat et la compagnie
La récompense
La rémunération du capital
Les revenus «casuels»
Honneurs et privilèges: le vrai salaire du magistrat
Bon et mauvais magistrat, au miroir de la société
Portrait moral (et immoral) du magistrat
Le magistrat face à sa mission
Chapitre 6: Parlement et familles
Parlement et familles: les enjeux de la question
De l’existence d’un système familial
Parlement et noblesse: une question essentielle?
Le règne des dynasties parlementaires: étude des grandes familles
Qu’est-ce qu’une grande famille?
De l’étude des réseaux familiaux parlementaires…
Modalités d’emprise et structuration
La place du Parlement dans la stratégie familiale
Au-delà du règne dynastique, une compagnie en perpétuel renouvellement
Ces familles qui ne font pas souche…
L’arrivée des hommes nouveaux:
mise en péril ou renouvellement du système familial?
Annexes
INVENTAIRE DES PRINCIPALES SOURCES UTILISÉES
bibliographie
Annexes