Aucune révolution n’aura entretenu de relations aussi compliquées avec ses images, ses représentations et ses artistes, que la Commune de Paris — dès 1871 et jusqu’à la veille de la Grande Guerre. Qu’il s’agisse de peintures et de sculptures, de photographies et de gravures de presse ou encore de caricatures, étudiées dans cet ouvrage, l’image produite en regard de la Commune paraît en permanence échouer à représenter les événements du printemps 1871, sur le vif comme à retardement, au plus fort de l’événement comme dans sa mémoire. La Commune semble toujours parvenir à se soustraire à sa représentation, tant chez les artistes favorables à sa cause — le sculpteur Jules Dalou et les peintres Gustave Courbet, Édouard Manet ou Maximilien Luce —, que chez ceux qui en furent des ennemis déclarés —les peintres Ernest Meissonier, Jean-Paul Laurens ou Jean-Baptiste Carpeaux.
Les tentatives des artistes furent souvent vaines et restèrent lettre morte. Dans les œuvres consacrées en petit nombre à la Commune de Paris, les dispositifs et les visions portent la marque de cet échec, successivement frappés par les interdits de la censure institutionnelle, les tabous de l’autocensure que s’imposèrent les artistes et l’oubli posé comme condition nécessaire à l’amnistie de 1881, assourdissante et aveuglante.
Rejetées de l’art, par le statut des représentations considérées comme inabouties ou triviales et par le sort infligé à la plupart des artistes condamnés, inquiétés ou censurés, tout autant que durablement expulsées de la mémoire de la France républicaine, les images de la Commune furent marginalisées dans les milieux militants anarchistes, socialistes révolutionnaires et communistes. Entre histoire politique, histoire culturelle et histoire de l’art, cet ouvrage tente d’expliquer les raisons de cette entreprise d’occultation.