Une puissante liberté de ton et d’invention caractérise l’œuvre de Sophie Loizeau, tournée vers la vie de la psyché en même temps qu’enchantée par la présence de la nature et des animaux. Elle s’essaie ici à traduire To Kirsikka, poète, grande femmelle misanthrope et sauvage. D’Helsinki parvint à l’autrice ce manuscrit autographe récupéré in extremis dans les cartons d’un vide-grenier. Elle fut tout de suite séduite par ces paysages, îles, jardins, parcs, lacs, mer, étangs, forêts et apparitions, par tout ce légendaire qui faisait écho à son propre légendaire mais comme déplacé, et durci par une vie d’errance. Squatteuse de cabanes dans la forêt, seule habitante d’une île en mer Baltique, confrontée à la violence du monde et contrainte à la marginalisation pour survivre, qui mieux que To aurait pu porter ces poèmes du déracinement ?
Finalement L’Ile du renard polaire de To Kirsikka est moins un essai de traduction fictive qu’une translation véritable — c’est-à-dire qu’en déplaçant le poème du côté de l’altérité, l’écriture de Sophie Loizeau opère un changement d’état.
Dans les livres de Sophie Loizeau s’impose la présence de la nature, du fantastique et du mythologique. Elle y bouleverse les conventions, tâchant « de récupérer ce qui a sombré dans le grand tout masculin » et tente de donner une visibilité du féminin dans la langue. Son recueil Ma maîtresse forme (Champ Vallon, 2017) a fait partie de la sélection du prix des Découvreurs en 2018.