« On n’en parlait pas », se souviennent de nombreuses personnes ayant grandi dans la France de l’après-Seconde Guerre mondiale au sein de foyers intimement marqués par les persécutions antisémites et la destruction des Juifs d’Europe. Cette difficile transmission intrafamiliale des épreuves endurées sous l’Occupation a cependant cohabité après la guerre avec un large éventail d’initiatives prises dans le monde juif pour commémorer ce que l’on n’appelait pas encore la Shoah. Et parmi ces initiatives figuraient en bonne place les cérémonies du souvenir qu’organisèrent notamment, dès l’automne 1944, des associations juives établies dans la capitale.
C’est l’histoire de ces commémorations – entre la Libération et la Guerre des Six Jours – que retrace ce livre. Se déployant dans tous les secteurs de la judaïcité parisienne et plébiscités par un public souvent nombreux, les rassemblements dédiés à la mémoire tant des victimes du génocide que des résistants et soldats juifs engagés dans la lutte contre l’Allemagne nazie constituaient un rituel sociopolitique, un vecteur de mémoire et une ressource identitaire de première importance pour les organisations qui les mettaient en œuvre et pour les personnes qui y assistaient.
Les commémorations participèrent ainsi pleinement à la reconstruction de la collectivité juive, aux évolutions qu’elle connut dans différents domaines et aux conflits qui la divisèrent sur fond de Guerre froide. C’est autour de ses morts que « l’archipel juif de Paris » revint à la vie au lendemain de la Shoah.