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Jean-Claude | CARON

Général des armées napoléoniennes, puis leader de l’opposition libérale sous la Restauration, Maximilien Sébastien Foy (1775-1825) a mené deux guerres. La première sur les champs de bataille, en particulier dans la Péninsule ibérique, théâtre d’une « sale guerre » immortalisée par l’œuvre de Goya. La seconde, à la tribune de la Chambre des députés, où il se fait le défenseur des valeurs de 1789 face aux tenants d’une réaction contre-révolutionnaire. Pleuré comme un « héros-citoyen », le général Foy connaît son heure de gloire quand ses funérailles rassemblent quelque 100 000 personnes dans les rues de Paris. Cette biographie de l’homme public comme privé retrace son ascension sociale entre Révolution et Restauration et s’interroge aussi sur les causes du déclin de sa mémoire.

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Les deux vies du général Foy
1755-1823
Guerrier et législateur

1. Le biographe, le souhaitable et le possible
2. Une vie construite : fragments autobiographiques
3. La mort édifiante du « héros-citoyen »
4. Des funérailles « nationales » entre émotion et protestation
5. Un début dans la vie : l’apprentissage du savoir et du pouvoir
6. « Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles » :
servir dans la Péninsule ibérique
7. La guerre inglorieuse
8. L’ombre de l’Empereur
9. Faire campagne ou la bataille électorale
10. Le Démosthène des temps modernes
11. Une opposition parlementaire modulée
12. Agir dans la lumière. Le rejet de la « politique de l’ombre » ?
13. Morale, fortune et ascension sociale
14. La souscription nationale, hommage populaire
et opération financière
15. Un homme du Tout-Paris, une figure de la nation
16. Sociabilité et sensibilité artistique : un homme cultivé
17. Un homme des livres265
18. Une absente omniprésente. Lise Foy, née Élisabeth Daniels
19. Une intimité en partie dévoilée
20. Un flot de papier à la gloire du héros-citoyen
21. Traces et marques, des beaux-arts au commerce mémoriel
22. Une trajectoire individuelle et générationnelle


Revue de presse

LE MONDE DES LIVRES (14 novembre 2014)

Fouché et Foy, ou l’émergence d’un nouvel ordre social
Nés de la Révolution, le ministre de la police et le général devenu député ont tous deux combattu son retour

La Révolution française n’a pas seulement modifié l’ordre des choses, elle a formé des existences et fait sentir ses effets au cœur des identités personnelles. Elle offre dès lors une riche matière au genre biographique, qu’empruntent, d’une part, Emmanuel de Waresquiel avec un livre consacré à Fouché (1759-1820) et, d’autre part, Jean-Claude Caron avec un ouvrage consacré au général Foy (1775-1825).
La Révolution a constitué une occasion de fulgurante ascension sociale pour les deux hommes : fils d’un capitaine de navire impliqué dans la traite négrière nantaise, Joseph Fouché devient sous le Consulat et l’Empire un très puissant ministre de la police ; fils d’un marchand établi à Ham (Somme), Maximilien Sébastien Foy gravit la hiérarchie militaire jusqu’à devenir général. Ces itinéraires mis à part, bien des différences séparent les deux hommes : la notoriété encore actuelle de Fouché tranche avec l’oubli qui entoure aujourd’hui le second, les « silences de la pieuvre », très beau sous-titre de la biographie du ministre de la police (et donc du secret), font contraste avec l’excellence oratoire du général, comparé à Démosthène et à Mirabeau pour ses interventions à la Chambre des députés de la Restauration, où il est devenu l’un des champions de la cause libérale.
Lire ces deux biographies, c’est donc assister à l’émergence du nouvel ordre politique et social qui se met en place dans une durée plus longue que la seule décennie révolutionnaire, entre 1789 et le mitan des années 1820. Mais c’est aussi observer deux formes différentes d’écriture biographique. « Tout à coup, une porte s’ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, monsieur de Talleyrand soutenu par monsieur Fouché», écrivit Chateaubriand à propos des deux anciens ministres de Napoléon venus prêter serment à Louis XVIII, peu de temps après Waterloo. Emmanuel de Waresquiel avait déjà écrit une biographie du « vice » (Talleyrand, le prince immobile, Fayard, 2003), il écrit aujourd’hui celle du «crime», qui avait donné lieu, entre autres, à un ouvrage important de Louis Madelin en 1901.
Appuyé en partie sur des sources inédites, écrit d’une plume alerte et personnelle, ce Fouché s’inscrit dans la tradition classique de la biographie : un récit de vie minutieusement documenté, qui mène le héros du berceau à la tombe, en passant par l’ascension politique et sociale, l’ivresse et la brutalité du pouvoir, les manœuvres d’une «girouette » prête à servir tous les régimes et, finalement, la disgrâce et l’exil quelque temps après le second retour de
Louis XVIII.
On ne se plaindra pas de ce format classique, car cette lecture est un plaisir, rendu plus piquant encore par les méandres tortueux d’un personnage qui a lui-même participé à l’édification de son propre mythe. Emmanuel de Waresquiel rétablit une cohérence chez ce caméléon : la défense, toujours, de la société issue de la Révolution, qui correspond à ses idées et surtout ses intérêts. Mais on ne trouvera pas dans l’ouvrage de réflexion plus générale sur l’émergence du monde politique contemporain qu’aurait pu permettre l’analyse du parcours et surtout de «l’œuvre» de Fouché. L’absence de conclusion générale, de ce point de vue, déçoit.
Jean-Claude Caron procède différemment avec Foy, « un second couteau » selon ses propres termes. Il débute par une réflexion fort intéressante sur les sources disponibles, notamment les «fragments autobiographiques» laissés par le général Foy, qui permettent une première approche problématisée de l’homme. Surtout, ces éléments posés, il commence par la fin : la mort et l’enterrement du général. Il ne s’agit pas d’une coquetterie : la notoriété de Foy trouve son apogée dans ses funérailles, en 1825, qui auraient réuni 100 000 personnes à Paris et ont servi de prétexte à une manifestation d’opposition libérale contre le régime de Charles X. Jean-Claude Caron part donc de cet événement pour éclairer à rebours « les deux vies du général Foy », d’abord dans l’armée, sur un terrain excentré et malheureux, la péninsule Ibérique, puis comme député. Il le sort donc doublement du tombeau où l’historiographie l’avait confiné et le fait avec bonheur, notamment lorsqu’il décrit le candidat en campagne ou l’homme de salons.
Plus libéral que Fouché, ce qui n’est pas difficile, Foy est en définitive, comme lui, un homme d’ordre, qui craint plus que tout le retour de la Révolution. Un retour qui pourrait compromettre ce que 1789 leur a permis à l’un et à l’autre de construire : leurs vies.

Pierre Karila-Cohen

Les deux vies du général Foy (Jean-Claude Caron – 2014)