À lire les multiples biographies qui lui sont consacrées, Van Gogh reste l’objet de représentations que tout oppose : tantôt on en fait une victime de la société, tantôt un manipulateur ; mais aussi un individu formant avec son frère Theo un couple de spéculateurs, misant sur le succès final de sa production ; ou encore un anarchiste et un anticlérical.
Fondé sur sa correspondance, cet ouvrage se propose d’entendre la voix même de Vincent et de saisir la personnalité complexe d’un homme vivant dans une époque dont il questionne les mutations. Dans ses lettres, notamment celles à son frère Theo, il évoque sa passion pour la lecture et l’éclectisme de ses goûts littéraires, son rêve d’une communauté artistique dont il serait l’initiateur, sa relation à sa terre d’accueil, la France, mais aussi à d’exotiques terres imaginaires, sa vision mythifiée d’un passé révolu et regretté comme d’un futur à la fois espéré et redouté. Mais aussi sa foi chrétienne virant au mysticisme puis au doute, sa relation à la nature avec laquelle Dieu finit par se confondre, son besoin inassouvi d’amour et sa vaine quête d’une femme avec qui faire couple.
Ces lettres à la tonalité autobiographique et romanesque révèlent le moi profond d’un homme qui, confronté à l’absence de reconnaissance de sa production artistique, se vit comme une sorte de paria de la société qui n’a pourtant de cesse d’espérer en un avenir meilleur.
Jean-Claude Caron est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Clermont Auvergne et membre honoraire de l’Institut universitaire de France. Parmi ses publications chez Champ Vallon, Les Deux Vies du général Foy (1775-1825). Guerrier et législateur, 2014 et Simon Deutz, un Judas romantique, 2019.