Ce livre se propose d’introduire dans le débat intellectuel français l’un des champs de recherche les plus novateurs de ces dernières années : l’histoire environnementale, dont la portée dépasse largement les frontières de la discipline historique, pour s’adresser à l’ensemble des sciences sociales et humaines, mais aussi des sciences de la nature, des sciences de la vie et des sciences exactes.
Les défis environnementaux qui engagent le futur de nos sociétés ont contribué à décloisonner cette discipline, dont les approches ne sont plus aujourd’hui l’apanage des seuls historiens mais des questions partagées par tous : comment en sommes-nous arrivés là et de quelle manière les différentes sociétés humaines sont-elles caractérisées ?
Lire le sommaire
Qu’est-ce que l’histoire environnementale?
Avant-propos
Première partie
Théories et structuration du champ
Chapitre 1
LE CREUSET ÉTATS-UNIEN, 1970-1990
L’acte de naissance, entre Earth day et New Left History
Des débuts difficiles, la structuration d’un nouveau
champ de recherche
L’écologie, un modèle et ses limites
L’américanisation de l’histoire environnementale
Chapitre 2
INTERNATIONALLISATION ET RECOMPOSITIONS : DES ENVIIRONNEMENTS ET DES HISTOIRES
L’histoire environnementale face au tournant culturel
Pour en finir avec la wilderness
Le décentrement de l’histoire environnementale
Environment and History et la géographie historique
Une seule planète, des environnements multiples
Fragmentation théorique et nouveaux enjeux
Chapitre 3
LES HISTORIENS FRANÇAIS ET L’ENVIRONNEMENT
Les Annales et la structuration de l’histoire environnementale
Les malentendus d’une proto-histoire
de l’histoire environnementale8
Les historiens face à l’institutionnalisation
de l’environnement
Le tournant non historien de l’histoire écologique
Le temps des malentendus
La naissance de l’histoire environnementale en France
Revenir aux Annales ?
Deuxième partie
Chantiers de l’histoire environnementale
Chapitre 4
HISTOIRE ENVIRONNEMENTALE DE L’URBAIN
Histoire de l’environnement urbain : contexte et émergence
Définition, concepts, méthodes
L’impact des villes sur l’environnement naturel
L’impact de l’environnement naturel sur les villes
Les réponses urbaines aux problèmes environnementaux
Les relations environnementales entre les villes
et leur hinterland
Inégalités et enjeux environnementaux urbains
Éco-biographies de villes
Chapitre 5
HISTOIRE DE LA COLONISATION ET DE L’IMPÉRIALISME
École tragique et colonisation
Destructions écologiques et développement
Des subaltern studies à l’histoire environnementale
Les colonies, un laboratoire environnemental
Histoire coloniale de l’Amérique du Nord
L’histoire des politiques de conservation
Catastrophes coloniales
Chapitre 6
HISTOIRE DES CHANGEMENTS ENVIRONNEMENTAUX
Histoire de la prise de conscience environnementale
Changement économique, social et environnemental
L’histoire sociale en question
Environnement et inégalités de race, classe, genre
Conservation et luttes sociales
La privatisation des communs
Histoire des ressources
Les racines de la crise environnementale
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
INDEX
Revue de presse
NONFICTION
(4 mai 2014)
Par un juste retour des choses, il était indispensable que le premier livre entièrement dédié à l’histoire environnementale soit publié chez l’éditeur qui, le premier, a ouvert une collection réservée aux publications relevant de ce champ, en contribuant ainsi à la diffusion de ces travaux dans le milieu de la recherche en France. Par un juste retour des choses, il était indispensable que ce livre soit signé par l’auteur qui, le premier, a créé un enseignement en histoire environnementale à Sciences Po en 2008, et qui a lui-même joué un rôle actif dans l’introduction de ce domaine de recherche, ne serait-ce qu’en assumant les fonctions de directeur de la remarquable collection « L’environnement a une histoire » aux éditions Champ Vallon, dans laquelle ont déjà été publiés les excellents ouvrages de John McNeill, Du nouveau sous le soleil, et de Michael Bess, La France vert clair.
Voilà qui est donc chose faite avec la parution ces jours-ci de Qu’est-ce que l’histoire environnementale ? par Grégory Quénet. Qu’on ne s’y trompe pas : contrairement à ce que suggère le titre trop modeste, l’ouvrage propose bien plus qu’une simple synthèse ou qu’une simple introduction à l’histoire environnementale. Le lecteur y trouvera certes une présentation et une discussion critique des principales contributions faites à ce jour en histoire environnementale – dont chacun a plus ou moins entendu parler dans la mesure où plusieurs best-sellers lui ont permis d’atteindre un assez large public –, mais il y trouvera aussi une histoire intellectuelle et contextualisée des travaux publiés dans le domaine au cours des trois ou quatre dernières décennies, une histoire de l’histoire environnementale depuis la formation de ce courant de pensée au début des années 1970 dans les pays anglo-saxons, une sociologie de la structuration de ce champ disciplinaire et des modalités de son internationalisation, une étude comparative de l’histoire de l’environnement telle qu’elle s’est développée en France après la Seconde Guerre mondiale (sous l’influence de l’Ecole des Annales et notamment de Fernand Braudel) et de l’histoire environnementale anglo-américaine initiée par Roderick Nash et Donald Worster, une interrogation sur les réquisits épistémologiques d’une « histoire totale » qui se voit contrainte de mobiliser des concepts et des méthodes pourtant incommensurables les uns aux autres (ceux des sciences de la nature, d’une part, et ceux des sciences sociales et des humanités, d’autre part), et, last but not least, une réflexion prospective sur une thématique émergente – celle des humanités environnementales – qui, selon l’auteur, « est potentiellement capable de réorganiser les études sur les sociétés et leur environnement et de prendre sous son aile, non seulement l’histoire environnementale, mais aussi toute les disciplines qui font les humanités : le droit, la littérature, l’histoire de l’art, l’anthropologie, la sociologie, la science politique et la philosophie » .
L’ouvrage, on l’aura compris, est d’une exceptionnelle richesse et se lit en outre très agréablement d’un bout à l’autre, étant servi par un style fluide que n’encombrent pas les inévitables et érudites notes de bas de page, ici réduites au strict minimum. Divisé en deux parties comportant chacune trois chapitres, il propose en un premier temps une étude de la formation de l’histoire environnementale comme champ de recherche et de sa lente démarcation par rapport aux domaines connexes de la géographie historique et de l’anthropologie culturelle. Le premier chapitre avance les éléments généraux de définition permettant de fixer à titre provisoire l’identité disciplinaire de l’histoire environnementale. Le second examine les conditions de l’internationalisation de ce courant intellectuel et son éclatement actuel. Le troisième met au centre de son attention le « cas français » – particulièrement digne d’intérêt en ce que, après avoir été l’un des derniers pays à avoir accueilli l’histoire environnementale dans ses programmes des recherche, la France se distingue aujourd’hui comme l’un des lieux les plus dynamiques en Europe . La seconde partie de l’ouvrage présente trois études monographiques, organisées autour des trois thématiques majeures de la recherche en histoire environnementale, à savoir la thématique de l’urbain (dans laquelle se sont illustrés des auteurs comme Martin Melosi, William Cronon et Mike Davis), la thématique de l’impérialisme colonial (qui a fortement contribué au succès de l’histoire environnementale aux Etats-Unis : que l’on songe aux travaux fondamentaux d’Alfred Crosby, repris et développés par Jared Diamond, mais aussi aux travaux de Ramachandra Guha, de Richard Grove et de Mike Davis),et la thématique des changements environnementaux (l’ouvrage pionnier demeurant, ici, celui de Donald Worster sur le Dust Bowl, bientôt suivis par ceux de Richard White, John McNeill et Carolyn Merchant).
Hicham-Stéphane Afeissa