Le « problème » d’Onfray, son immense déficit philosophique par rapport à Georges Bataille, et à tout ce que la philosophie et la psychanalyse modernes ont pu avoir d’innovant et de prégnant depuis l’après-guerre, est qu’à aucun moment il n’éprouve le besoin de s’astreindre à une réflexion de fond sur le sens, c’est-à-dire les limites de son propre discours. C’est faute de vouloir ou de pouvoir le faire, et afin de sécuriser par tous les moyens cet hédonisme qui lui a tant donné, que la politique d’écriture d’Onfray a depuis longtemps cédé aux pires compromissions. Cet éternel rétropédalage discursif n’est qu’une somme de truismes, de concepts frelatés, d’inversions, de contre-vérités ; un kitsch verbal à la limite de l’ésotérisme et de la science-fiction où les accumulations succèdent aux excommunications ciblées d’un nombre toujours croissant d’auteurs et de philosophes. Car avec Bataille, ce sont rien moins que Kant, Hegel, les Lumières, Sade, Freud, Lacan, les structuralistes, qui sont jetés avec l’eau du bain ! Sans parler d’Artaud, de Blanchot et Levinas. Onfray ose tout, il n’a pas de limites, et c’est dans la mesure où il n’en a pas qu’il précipite la pensée française (européenne? occidentale ?) dans une ornière dont, si elle ne se reprend pas rapidement, elle aura énormément de mal à se sortir.
Cet essai montre ainsi à quel point la responsabilité de la novlangue d’Onfray dans la « médiocratisation » générale est écrasante. Il fait le lien entre celle-ci et le politiquement correct français, sorte de record dans le genre. Il démontre les côtés caméléon de quelqu’un qui s’adapte en permanence, et n’a cure de retourner sa veste, intellectuellement et politiquement parlant. Il s’appuie principalement sur divers textes d’Ortega y Gasset, Roland Barthes, Philip Roth, Shmuel Trigano et sur les analyses prémonitoires de Jean-Michel Heimonet, pour tenter de trouver des remèdes à la boboïsation en cours.