Champ Vallon

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Christian | GODIN

Cet essai se propose d’analyser l’ensemble de l’œuvre de Charles Chaplin à travers le thème du double. Chaplin est un artiste qui fut travaillé à la fois par le désir de totalité et par la menace toujours présente de la division psychique. C’est cette menace qui est exprimée mais aussi conjurée par toutes les formes et figures de doubles qui parcourent son œuvre.
Les scènes matricielles qui ont fourni au comédien très précoce qu’était Charles Chaplin la matière de son cinéma sont d’abord envisagées, suivies d’une analyse de la métamorphose de Chaplin en Charlot et de ce que l’auteur appelle le « complexe de Jekyllhyde », c’est-à-dire la coexistence de deux tendances psychiques et comportementales antagonistes.
Puis sont évoqués et analysés successivement les alter ego (l’enfant du Kid, le chien d’Une vie de chien, la femme de L’Opinion publique, des Temps Modernes, et de La comtesse de Hong Kong, l’assassin de Monsieur Verdoux, le vieux clown des Feux de la rampe et le roi déchu d’Un roi à New York), puis les « moi » oniriques (les scènes de rêve dans Le Kid, Une idylle aux champs, Le Cirque, Les Temps modernes).
Enfin, dans « Les doubles inverses », il est question du double jeu du double je, du sosie (Le Dictateur), du travestissement (Mamz’elle Charlot), de la méprise (Les Lumières de la ville, La Ruée vers l’or), et de l’imposture (Le Pèlerin).
Toutes ces figures font à la fois la richesse et le caractère problématique de l’identité chaplinesque (dans sa dimension burlesque), et chaplinienne (dans sa dimension dramatique), en quoi elle semble singulièrement actuelle.

Chaplin et ses doubles (Christian Godin – 2016)

Cet essai interprète ce qu’il est convenu d’appeler « la crise » sous un angle psychologique et moral. Dans son sens courant, la démoralisation renvoie à une perte de conviction et d’énergie. On peut également la comprendre comme une perte morale.
L’idée centrale de l’ouvrage est qu’il existe un lien entre l’affaiblissement et la disparition de « la morale » (la prolifération des éthiques de substitution en est le symptôme le plus net), et la démoralisation comme perte de certitude et d’espoir. Historiquement lié à la démocratie et aux droits de l’Homme, l’individualisme aboutit à des situations sociales d’une grande cruauté. Les valeurs morales traditionnelles sont des freins et des verrous pour la technoscience mondialisée, dont l’auteur tente de montrer la foncière immoralité.

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La démoralisation
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PROLOGUE
La morale et le moral
PREMIERE PARTIE
Les éthiques contre la morale
Pourquoi l’éthique a-t-elle remplacé la morale ? L’éthique est une morale en temps de détresse. L’opportun opportunisme de l’éthique. L’éthique minimaliste comme vérité de l’éthique. Sa cruauté convient à une société de plus en plus cruelle.
DEUXIEME PARTIE
Les cruautés de l’individualisme libertaire

Première section : La foncière immoralité du capitalisme
L’égoïsme comme base et comme moteur. Capitalisme et criminalité. La comédie de la gratuité. Le rendement du négatif. Le nihilisme. L’innocence du mal. La corruption du citoyen. La dénaturation du plaisir. Les images du dérèglement.
Deuxième section : Les pathologies de l’individualisme66
Égoïsme, égocentrisme et narcissisme. Questions de confiance. Politesse et incivilité. Le narcissisme générique. Le néocynisme. Le consumérisme. Addiction et haine de soi. L’euthanasie. L’extinctionnisme. La structure schizoïde du néocynique. Le projet de l’homme augmenté.
TROISIEME PARTIE
Où sont passés les vices et les perversions ?

Première section : Ce que sont devenus les péchés capitaux
Ce qu’est un péché capital. La disparition de la notion de perversion. L’avarice. La colère. L’envie. La gourmandise. La luxure. L’orgueil. La paresse.
Deuxième section : L’innocence de l’image
Le sens de la « civilisation de l’image ». Le mal au cinéma. Le message selon lequel l’homme est devenu obsolète. La télévision désublimante. La pataphysique de la télévision. Devenir du scandale. Devenir du tabou. Les jeux vidéos visent bas. Le rap aussi. Aristote l’a emporté sur Platon. La violence du pornographique. L’obscénité de la téléréalité. Les jeux vidéo ou la guerre permanente. L’invisibilité du réel.
Troisième section : Les phobies sélectives190
La prolifération des phobies institutionnalisées. Les vraies phobies sont celles dont on ne parle jamais. La pédophobie. La gérontophobie.
QUATRIEME PARTIE
Le néofatalisme

Première section : Le régime des petites lâchetés ordinaires
La feinte de la non-reconnaissance. Extension du domaine de la fraude et du mensonge. Surtout ne pas juger ! Les avantages objectifs de la lâcheté. L’indifférence au pire. Le caractère néfaste des non-interventions.
Deuxième section: L’Histoire ne juge plus
Ce qu’était le Destin. Le fatalisme ancien. Le complexe d’Ulysse. Triomphe de la volonté et néofatalisme. Résignation et renoncement. Notre temps crée des irréversibilités. La prétendue amoralité des technosciences. Le néofatalisme politique et social. La comédie de la volonté. La fin de la philosophie de l’Histoire.

EPILOGUE

L’amour de la nature, l’intérêt pour la nature, la joie éprouvée en présence des paysages et des êtres de la nature font partie des présupposés courants jamais remis en question.
Notre civilisation est bien plutôt marquée par la haine de la nature. De la construction des villes à l’édification des corps, le monde de la technique est une véritable entreprise d’anéantissement.
Les difficultés auxquelles aujourd’hui se heurtent les politiques environnementales, les échecs récurrents des conférences internationales ne peuvent être compris si ce fait est oublié.
Les orientations « vertes » du capitalisme actuel ne sont que des ruses pour faire triompher l’artifice. Elles ne font que nous éloigner davantage du sens de la nature – désormais perdue.
La catastrophe systémique qui a commencé a proprement valeur apocalyptique, de révélation. C’est la pulsion de mort qui travaille en silence, jusqu’à sa probable victoire finale.

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La haine de la nature
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Chapitre 1
Les manifestations de la haine de la nature
Humain, trop inhumain
Le triomphe de l’artifice
L’allergie à la nature
Un nouveau négationnisme: le négationnisme environnemental
Chapitre 2

Les relations entre l’homme et la nature
L’homme habitant
L’homme propriétaire-exploitant
L’homme protecteur
Chapitre 3

Origines et fondements de la haine de la nature
La volonté de puissance
Le dualisme ontologique
L’empire de l’esprit
Chapitre 4

L’aporie environnementaliste
De l’écologie à l’écologisme
L’environnement à l’heure de la mondialisation
La destruction fatale
Épilogue


Revue de presse

La haine de la nature

Livres-Hebdo
(24 août 2012)

Nature, je vous hais

Christian Godin explique pourquoi l’homme se moque de son environnement tout en prétendant le contraire.

Tout le monde aime la nature. Enfin, en principe. Car si on s’apitoie volontiers sur le sort de notre planète à chaque conférence internationale d’où, le plus souvent, il ne sort rien, c’est que, nous dit Christian Godin, il n’y aurait pas que du C02 dans l’air, mais surtout un fort parfum de mensonge. «L’homme moderne est en réalité travaillé par une passion sourde, inavouable et inadmissible, qui est son mépris et même sa haine de la nature.»
Où donc le philosophe est-il allé chercher cela? Il lui a suffi d’observer, bien sûr, les comportements quotidiens, les atermoiements politiques, les déclarations qui ne mangent pas de pain. Et puis surtout, l’auteur de plusieurs excellents livres, comme son best-seller, La philosophie pour les nuls (First), est allé puiser dans les textes. Rousseau, Kant, Descartes.
En deux siècles, nous sommes passés d’un homme faible dans une nature forte à un homme trop fort dans une nature fragile. «Notre sentiment de la nature ressemblerait plutôt à celui qu’un sourd de naissance éprouve pour la musique.» On appréciera la clarté du propos, l’humour et les débats ouverts, notamment sur le numérique, qui modifie notre approche du réel puisque nous travaillons de plus en plus sur des artefacts. Cet éloignement de la nature, Christian Godin la constate aussi dans le roman, la peinture, le cinéma. Le plus souvent, l’homme a resserré la focale sur son nombril. C’est l’effet loupe de l’individualisme triomphant. Au passage, le philosophe souligne que la nature était également peu représentée dans l’Antiquité…
Les grands courants philosophiques contemporains entérinent la domination de l’homme sur la nature. Ou bien ils n’en parlent pas! Godin ne voit comme exception que Nietzsche, Bergson et Heidegger. Il faut dire que la nature ne pense pas. Elle est, c’est tout. C’est nous qui la pensons. Quand nous aimons la nature, nous prenons la partie pour le tout; nous n’aimons que ce qui, dans la nature, fait sens pour nous. Godin remarque aussi que plus la nature est généreuse, moins on la respecte. Plus elle est avare, plus elle est choyée. Voyez la différence entre les civilisations du Nord qui gaspillent et celles du Sud qui économisent. Nous savons que l’espèce humaine est prédatrice. D’abord pour elle-même. Mais cet essai fait parfois froid dans le dos lorsqu’il énumère les catastrophes à venir. Malgré son pessimisme compréhensible, le livre dépasse de très loin la seule notion d’environnement. Il montre la tyrannie de l’économie, la perte de la notion de totalité dans un monde global, la vulnérabilité de l’homme façonnée par sa puissance technique. En opposition à Luc Ferry, qui considère que la haine de l’artifice conduit à la haine de l’humain, Christian Godin se demande si l’artifice ne conduit pas justement à vouloir en finir avec l’humain. Pas franchement de quoi nous remonter le moral. Naturellement.

Laurent Lemire

Le Monde des livres
(7 septembre 2012)

Vert de colère et d’inquiétude

Les écoliers viennent de rentrer. Dans leurs cartables biodégrada-bles, cahiers en.papier recyclé, colle sans blanc de baleine, gom-me dépourvue de colorants toxi-ques. Tous deviennent écorespon-sables, comme les éboueurs, les postiers, les entreprises zéro car-bone. Comme tout le monde, ou peu s’enfaut. Triant ses ordures, attentif à ses rejets, apportant son sac au supermarché, chacun se dit et se croit obsédé par le sort de la planète, le réchauffement climati-que, la protection de la nature.
Foutaise que cette comédie verte, diagnostique Christian Godin. Pour lui, la solution n’est pas dans la consommation dura­ble, qui n’est qu’une contradiction dans les termes. L’issue n’est pas non plus dans plus de technique pour effacer les méfaits de la tech­nique — c’est un autre leurre. Le vrai changement, le seul qui pour­rait nous sauver, selon ce philoso­phe, consisterait à changer notre tête plutôt que nos chariots. Il s’agi­rait d’en finir avec le souverain mépris de la nature qui nous ha­bite à notre insu. Car, sous les simagrées environnementales, une haine essentielle – profonde et acharnée, farouche et souterraine – animerait nos manières de vivre et de penser. Aimer la nature, ou seulement se souvenir de son exis­tence, nous n’en sommes plus capables, soutient Christian Godin…
Une verte colère l’emporte. Elle l’entraîne à des affirmations par­fois sidérantes. On ne verrait plus du tout la nature dans les films récents, les paysages auraient tota­lement disparu de la littérature, les prairies, même en montagne, seraient remplacées dorénavant par des pelouses!… Pis: qui doute de la responsabilité humaine dans l’actuel réchauffement cli­matique est carrément taxé de… négationnisme! Parmi ces excès, quelques contre-vérités, par exemple: «Le clonage reproductif humain ne pose aucun problème éthique en Chine». Cela est faux. Je peux en témoigner: j’ai parti­cipé, avec Mireille Delmas-Marty et Henri Atlan, à Shanghaï, en 2005, au premier accord sino­européen proclamant l’interdic­tion de ce clonage.

Pulsion de mort
Christian Godin – qui a une œuvre estimable et diverse à son actif, notamment une somme encyclopédique, La Totalité (en sept volumes .., Champ Vallon, 1997-2001), un excellent Dictionnaire de philosophie (Fayard, 2004), sans compter La Philosophie pour les nuls (First, 2006) –aurait-il donc sombré, par souci de la natu­re, dans la haine de la culture? Va-t-il se rallier à la glorification des clairières et à la vie dans les bois? Nous convier à son tour à «mangerde l’herbe à quatre pat­tes », intention queVoItaire prêtait ironiquement à Rousseau? Heu-reusement, la suite du livre fait découvrir de vraies analyses; en particulier sur les clivages internes de l’écologie et les conceptions mul-tiples du développement durable.
C’est à la pulsion de mort, dé­crite par Freud après 1920, que le philosophe relie en fin de compte notre comportement envers la nature. Au lieu de se focaliser sur la taxe carbone et le marché·bio, mieux vaudrait demander si nous choisissons, pour de bon, la vie ou la destruction. Quiconque a fré­quenté la pensée freudienne sait que la réponse n’est pas jouée. Dans la mythologie moderne, la lutte est titanesque entre Eros et Thanatos. Et l’issue incertaine. Mais l’avenir n’est pourtant qu’à moitié noir: rien ne dit que Thana­tos ait forcément le dernier mot.

Roger Pol-Droit

L’homme moderne présente un mélange étonnant de volontarisme et de fatalisme : tantôt il a l’impression de tout pouvoir (dans l’organisation des familles ou bien dans le domaine des biotechnologies, par exemple), tantôt il a l’impression inverse de tout subir (exemple du changement climatique).

Et si les deux tendances n’étaient tout compte fait que les deux aspects d’une même réalité ? Slogan nazi et stalinien dans les années 1930, le triomphe de la volonté, heureusement débarrassé de son hypothèque totalitaire, est devenu le programme implicite d’une époque qui, ne voulant plus rien recevoir des dieux ou de la nature, a relancé discrètement l’utopie de l’homme nouveau, désormais compatible avec le cadre démocratique.
Comment cette exaltation de la volonté comme puissance individuelle et collective a-t-elle pu s’imposer contre des millénaires de traditions adverses ? Si nous sommes les héritiers d’une histoire, celle-ci peut être datée et elle n’est pas encore très longue. En tout cas, il est à peu près certain qu’elle ne pourra pas durer indéfiniment : une volonté illimitée se heurte à des problèmes insolubles – d’où ce regain de fatalisme qui peut être interprété comme le symptôme d’une situation de crise.