Champ Vallon

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Bertrand (dir.) | BINOCHE

On ne se passe pas aisément du concept, si c’en est encore un, de civilisation. Chacun convient de son importance, mais son histoire, en français au moins, reste bien sommaire. Aussi n’était-il pas inutile d’y revenir en croisant un axe géographique (civiltà, civilisation, civilization, Zivilisation) et un axe historique (de la barbarie selon Leibniz à l’épistémè selon Foucault). Il en ressort un paysage fort contrasté où le terme, non seulement recouvre bien des significations incompatibles — et comment pourraît-il en aller autrement? –, mais aussi plusieurs statuts bien distincts – car un simple mot n’est pas un concept, comme un concept n’est pas un maître-mot.
La «civilisation» se définit donc par ses équivoques, lesquelles résultent de ses usages, plus ou moins scrupuleux. Après avoir prédit le triomphe de la civilisation, on peut bien annoncer le choc des civilisations, mais cela ne contribue pas à y voir plus clair. Aussi, aux fracas de la prophétie, les collaborateurs réunis dans ce volume ont-ils préféré les méandres de l’analyse: moins tonitruants sans doute, mais, de détour en détour, plus riches de ce qui éclaire ces grands mots qui nous engagent toujours plus que nous ne le souhaiterions.

 

Les équivoques de la civilisation, bertrand Bichon, éditions Champ Vallon

Entre la perfection humaine, que Descartes définissait comme l’aptitude de ne point faillir dont nous jouissons tous naturellement, et le perfectionnement indéfini de l’humanité dont Condorcet fit le vecteur de l’histoire universelle, surgit quelque chose d’étrange que Rousseau nomma la perfectibilité, presque illimitée, de l’individu comme de l’espèce.
C’est à ce mot que s’attache le présent recueil, moins pour faire l’histoire d’un concept ou d’une idée que pour comprendre les devenirs aléatoires d’un signifiant, emporté par des polémiques inattendues et réinvesti dans des conjonctures imprévisibles. Pourquoi déclara-t-on l’homme perfectible et en quels multiples sens le réaffirma-t-on ainsi ou, au contraire, s’y refusa-t-on ? Voilà ce qu’il n’est peut-être pas tout à fait inutile de se demander à l’heure où l’on s’effraie moins de concevoir l’espèce comme indéfiniment progressive que l’individu comme reproductible à l’identique.

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L’homme perfectible
Le sommaire

INTRODUCTION
Perfection, perfectibilité, perfectionnement
Bertrand Binoche 7
Les équivoques de la perfectibilité Bertrand Binoche 13
I.
DE LA PERFECTION À LA PERFECTIBILITÉ 37

Perfection de la foi, perfectibilité de la vertu:
M. Luther et G. Bruno (une lecture
de l’Expulsion de la bête triomphante) Saverio Ansaldi 39
État de nature et perfectibilité:
effacement d’une origine Franck Tinland 59
J.-J. Rousseau et la perfectibilité:
de l’individu à l’espèce Jean-Louis Labussière 91
La perfectibilité sous conditions?
Éducation d’espèce, flexibilité d’organisation et
échelle d’aptitude morale en anthropologie
(1750-1820) Claude Blanckaert 114

II
LA PERFECTIBILITÉ MATÉRIALISTE? 145

Matérialisme et perfectibilité
(d’Holbach et Helvétius) Jean-Claude Bourdin 147
Charles-Georges Leroy
et la perfectibilité des animaux Laurent Fedi 170
Diderot et le concept de perfectibilité Franck Salaün 200
III.
DE LA PERFECTIBILITÉ AU PERFECTIONNEMENT INDÉFINI 219

Condorcet
et l’invention de la perfectibilité indéfinie Jean-Pierre Schandeler 221
Perfectibilité et vérité de la religion
chez Benjamin Constant Ghislain Waterlot 252
Comte dans la querelle des anciens et des modernes:
la critique de la perfectibilité Pierre Macherey 274
Les auteurs 293
index 297

 

Que nous éprouvions auourd’hui le besoin de régresser aux multiples dicours tenus par les Lumières sur l’histoire, cela résulte très naturellement de ce que nous avons cessé de nous percevoir comme inscrits dans le temps de l’Histoire: celle-ci ne faisant plus écran, ceux-là retrouvent un relief longtemps devenu indsicernable.
Les études ici rassemblées démêlent, de Leibniz à Condorcet, l’enchevêtrement des trois grandes strates qui se dessinent alors: la genèse abstraite de l’obéissance politique, la civilisation comme processus ordinaire qu’accomplit en son temps chaque nation si les circonstances le lui permettent et, enfin, la pluralité des histoires empiriques dont le traitement fait l’objet de démarches très diverses. Prendre la mesure de cette complexité, c’est commencer d’en finir avec la représentation très convenue d’une histoire de nos croyances en l’Histoire qui s’élaborèrent en réalité toujours dans l’ambivalence et le conflit.

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Introduction
Les histoires d’avant l’histoire
Bertrand Binoche
Renouvellement de l’horizon temporel et
enjeux de la pensée
du devenir au XVIIIe siècle
Franck Tinland

La conception leibnizienne du progrès
Huguette Courtès

Montesquieu et l’histoire:
théorie et pratique de la modération
Céline Spector3

La double philosophie
de l’histoire de Voltaire
Marc Crépon

La manipulation des sources
dans l’Essai sur les mœurs de Voltaire
Stéphane Lojkine

Un problème d’histoire de la connaissance
au xviiie siècle: influence magique et
attraction newtonienne
Eliane Martin-Haag

«Ô homme, de quelque contrée que tu sois […],
écoute: voici ton histoire»:
perfectibilité humaine, hasard des événements,
logique des enchaînements historiques
et liberté selon J.-J. Rousseau
Franck Tinland
Diderot et Catherine II
ou les deux histoires
Bertrand Binoche

Le recours à l’histoire
dans le matérialisme de d’Holbach
Jean-Claude Bourdin

Histoire et Nature chez Turgot
Catherine Larrère

Condorcet et l’histoire de la raison:
la formation de l’idée de conflit
Jean-Piere Schandeler