La souche que l’on mettait jadis au feu pendant la messe de minuit, la vraie « bûche de Noël », a été considérée pendant très longtemps comme l’un des objets magiques les plus puissants et les plus répandus dans une grande partie de l’Europe. Avant son déclin au XIXe siècle, sa transformation en dessert et sa quasi-disparition au profit du sapin, elle guérissait les hommes et les animaux de tous les maux, protégeait de la foudre, repoussait les sortilèges et aidait les cultures à être fructueuses.
Pour percer le mystère de la bûche, il faut retrouver la magie de l’entre-deux qui caractérise le Noël rural d’antan, celle d’une période solsticiale intermédiaire, qui se concentre à minuit ou à un carrefour. La bûche et le gras offre une plongée dans un univers à première vue très étrange, où les œufs pondus, la fleur de fougère, les chandelles ou même la graisse du bouillon captaient une puissance magique dont la nature est irréductible aux schémas savants ou aux christianismes institutionnalisés. Un univers très étrange, à première vue seulement : car dans ce qui porte chance ou malheur aujourd’hui, dans nos formules de politesse ou dans les cadenas d’amour accrochés aux ponts, les mêmes processus sont toujours à l’œuvre. Ils montrent que notre monde n’a pas tout à fait fini d’être magique.
Docteur en histoire, Anton Serdeczny est actuellement chercheur au Medici Archive Project à Florence. Il est l’auteur de Du tabac pour le mort. Une histoire de la réanimation (Champ Vallon, 2018).