L’histoire commence par une découverte documentaire, surprenante et fortuite. En 2012, Mélanie Traversier retrouve chez un collectionneur privé américain un manuscrit décrivant le voyage d’une reine en Italie de mai à septembre 1785. Elle en reconnaît aussitôt l’écriture : c’est la pièce manquante d’un document exceptionnel qu’elle étudie depuis huit ans, le journal que Marie-Caroline de Habsbourg-Lorraine, petite sœur de Marie-Antoinette et reine de Naples, a tenu de 1781 à 1785. L’archive est désormais complète, la trouvaille archivistique venant combler une lacune dans le diaire conservé aux archives de Naples. Mélanie Traversier en propose donc une édition critique, précédée d’un volumineux essai introductif. Car ce document exceptionnel permet de surprendre la reine au travail de la discipline de ses affects. S’imposant l’exercice quotidien de ses « écritures », s’exerçant à cette langue française qui est celle de l’aristocratie européenne et qu’elle accommode à sa manière de quelques libertés stylistiques, elle offre aux amateurs d’histoire un témoignage d’une richesse exceptionnelle. La reine ne se confine pas aux obligations et aux divertissements utiles de son sexe : elle observe, décrit, compare — et notamment lors de son voyage d’Italie, sorte de tournée d’inspection des expériences politiques du réformisme des Lumières — pour se préparer à agir. Dès lors, au-delà de la chronique routinière de la vie de cour, le lecteur est convié au surgissement d’un moi souverain mais aussi, tout simplement, en ses années pré-révolutionnaires, du souffle de l’histoire.