Du XVIIIe siècle, l’histoire de l’art a retenu quelques grandes figures d’amateurs, à la fois collectionneurs, mécènes, et souvent artistes eux-mêmes : le comte de Caylus, Dominique-Vivant Denon, l’abbé de Saint-Non, Claude-Henri Watelet. Qui étaient ces amateurs? Quels rapports entretenaient-ils avec les institutions académiques ou avec le marché de l’art en pleine émergence? Pourquoi le terme même était-il l’enjeu de débats et de polémiques? À la croisée de l’histoire sociale des Lumières et de l’histoire de l’art, ce livre entreprend de renouveler notre interprétation des mondes de l’art, en s’interrogeant sur cette figure complexe et méconnue qu’était l’amateur.
Dans l’espace artistique des Lumières, encore largement structuré par l’Académie royale de peinture, le développement d’une culture visuelle au sein des élites consacre la place centrale des amateurs. De Joseph Vernet à Élisabeth Vigée-Lebrun, en passant par Jean-Baptiste Greuze ou Hubert Robert, la peinture française contemporaine est encouragée par de nouvelles formes de sociabilité et par les commandes des amateurs. Eux-mêmes se familiarisent avec les techniques de la peinture, de la gravure et du dessin. De plus en plus, les amateurs d’art s’affirment aussi comme des artistes amateurs.
Promu comme modèle du public par le système monarchique des arts, l’amateur n’est pas une figure désintéressée du goût. Il est tout au contraire un acteur qui joue un rôle décisif, au cœur des tensions qui structurent les mondes de l’art, entre la naissance d’un espace public de l’art, le renouveau des valeurs académiques et l’essor des collections. L’amateur connaît son âge d’or au siècle des Lumières, après le règne du mécène et avant celui du collectionneur, qui s’impose au xixe siècle avec la. professionnalisation des champs culturels.