L’homme moderne présente un mélange étonnant de volontarisme et de fatalisme : tantôt il a l’impression de tout pouvoir (dans l’organisation des familles ou bien dans le domaine des biotechnologies, par exemple), tantôt il a l’impression inverse de tout subir (exemple du changement climatique).
Et si les deux tendances n’étaient tout compte fait que les deux aspects d’une même réalité ? Slogan nazi et stalinien dans les années 1930, le triomphe de la volonté, heureusement débarrassé de son hypothèque totalitaire, est devenu le programme implicite d’une époque qui, ne voulant plus rien recevoir des dieux ou de la nature, a relancé discrètement l’utopie de l’homme nouveau, désormais compatible avec le cadre démocratique.
Comment cette exaltation de la volonté comme puissance individuelle et collective a-t-elle pu s’imposer contre des millénaires de traditions adverses ? Si nous sommes les héritiers d’une histoire, celle-ci peut être datée et elle n’est pas encore très longue. En tout cas, il est à peu près certain qu’elle ne pourra pas durer indéfiniment : une volonté illimitée se heurte à des problèmes insolubles – d’où ce regain de fatalisme qui peut être interprété comme le symptôme d’une situation de crise.