Le volume 4 évoque, grâce aux œuvres du patrimoine universel de l’humanité, la manière dont celle-ci a pu donner forme (visible, audible, lisible) à son rêve, à ses rêves de totalité. Et même si l’art semble de nos jours délaisser l’univers pour constituer pour soi-même son propre monde, divers indices laissent à penser que le lien n’a pas été entièrement rompu.
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LES ARTS ET LA LITTÉRATURE
PRÉAMBULE
ENTRÉE
Perte et conservation de lArt
I. LES CATÉGORIES
1. TOTALITÉ EXTENSIVE ET TOTALITÉ COMPRÉHENSIVE
A) La totalité extensive
B) La totalité compréhensive
C) Le sublime
D) L’artiste universel
2. LŒUVRE D’ART COMME TOUT
A) La synthèse
B) Lharmonie
C) L’Œuvre
3. LA NON-TOTALITÉ EN ART
A) La détotalisation
B) Le fragment
C)L’inachevé
Il. LES ARTS PLASTIQUES
1. L’ARCHITECTURE
A) La fonction univers
a. La ville, la maison et le jardin
b. Le temple-monde
c. La cathédraie-somme
B) Le modèle organique
a. La Renaissance
b. Les temps modernes
c. La ruine
2. LA SCULPTURE
A) La totalité
a. la totalité cosmique
b. Le tout
c. L’assemblage
B) La détotalisation
a. La mutilation
b. Le fragment
C) Rodin ou la dialectique du tout et des parties
3. LA PEINTURE
A) Le Voir
B) La totalité extensive
a. le symbolisme
b. La série picturale
c. Le tableau encyclopédique
C) La totalité intensive
a. Rubens
b. Rembrandt
c. Picasso
III. LA MUSIQUE
1. LA MUSIQUE DU MONDE
2. LE MONDE DE LA MUSIQUE
3. LE MONDE PAR LA MUSIQUE
IV. LA LITTÉRATURE
1. LES CATÉGORIES
A) Tout écrire
B) Les mouvements
C) Le Livre
2. LES GENRES
A) L’épopée
B) Le drame
C) Le roman
3. LES ÉCRIVAINS
A) Goethe
B) Victor Hugo
C) Pessoa
V. L’OEUVRE D’ART TOTALE
ET LES ARTS DU SPECTACLE
1. L’UNION DES ARTS AVANT WAGNER
A) La représentation totale
B) La naissance de l’opéra
C) L’opéra du XVIIe et du XVIIIe siècle
D) La théorie de l’union des arts au XVIIIe siècle
et à l’âge romantique
2. LA THÉORIE WAGNÉRIENNE DU DRAME
A) Le roman des origines
B) La séparation et la perte
C) La négation de la négation
a. Une oeuvre d’art de l’avenir
b. Une anthropologie de l’homme total
c. Une politique communautaire
3. LA RÉALITÉ DU DRAME WAGNÉRIEN
4. LE DESTIN DE LŒUVRE DART TOTALE
A) L’œuvre totale musicale
B) L’œuvre totale scénique
a. Le théâtre
b. La danse
C) Le cinéma
a. Un nouvel art total
b. L’image cinématographique
c. L’image et le son
d. La totalité organique : S.M. Eisenstein
e. La totalité dis-associative : J.-L. Godard
D) Le spectacle total
a. Les dernières métamorphoses de l’œuvre d’art totale
b. L’art totalisé par la technique
c. L’art et la vie
d. L’art totalisé par la nature
Bibliographie
Index général
Table des illustrations
Table des matières
Lire des extraits de presse
LIBERATION
(2 juillet 1998)
À l’heure où la pensée dutout est assimillée au totalitatime de la pemée, Christian Godin s’est donné la tâche pharaonique de colliger tout ce qui a été dit sur la totalité.
Un apologue indien raconte qu’un jour trois aveugles rencontrèrent un animal inconnu. La premier saisit la queue et conclut que la bête était mince, souple et poilue. Le deuxième tâta la trompe et déclara que la bête était un gros boa. Le troisième toucha une patte et en déduisit que l’animal était semblable à un arbre de la forêt. Aucun, naturellement, ne reconnut l’éléphant. Il est difficile en effet de se faire un image du tout quand on n’a que la partie. D’ailleurs, hors du tout, il n’y a pas de « parties », alors qu’un tout garde son sens si une partie lui fait défaut (encore faut-il savoir, il est vrai, de quel tout il s’agit, car, si un avion auquel à manque les ailes n’est pas un avion, un manuscrit incomplet, un tableau inachevé, une statue à laquelle il manque un bras ou la tête restent des œuvres d’art). Comment cependant peut-on avoir connaissance du tout? comment même « définir » la totalité, la délimiter, si, en lui fixant des limites, on laisse en dehors quelque chose qui lui échappe et qui n’en fàit donc plus une totalité? La pensée ne peut-elle sérieusement jouer qu’avec la singularité, le fragment, la différence? Hôlderlin n’avait sans doute pas tort de dire qu’ « il nexiste au monde qu’un seul litige, celui de savoir si c’est le tout ou le particulier qui prédomine ».
Christian Godin a déjà publié, de la Totalité, le Prologue et la section IV, complétés maintenant par la Section I, De l’Imaginaire au symbolique. Outre l’épilogue, prévu pour l’an 2000, cinq autres volumes sont à paraître. La totalité de la Totalité devrait composer un ensemble de près de… six mille pages! Il s’agit, on le voit, d’une entreprise intrépide. Il faut, en effet, n’avoir peur de rien pour envisager de donner, et donner effectivement, « une forme moderne, nouvelle, au projet hégélien d’encyclopédie philosophique ». Et ne pas craindre de ramer totalement à contrecourant, car s’il est une idée que la modernité à refoulée, bannie, étrillée, c’est bien celle de totalité, au point que toute pensée de la totalité a été, peu ou prou, assimilée au totalitarisme de la pensée. « Il faut faire voler le tout en éclat, désapprendre le respect pour le tout », prescrivait Nietzsche. On ne peut pas dire qu’il n’ait pas été écouté: de la philosophie à la science, de l’histoire à la sociologie ou à la psychanalyse, c’est toujours le particulier, le local, le singulier, le détail, le « cas », le « micro », la trace, le résiduel, l’antisystème qui ont été privilégiés. Comme l’écrit Gaudin, « tout conspirait chez Leibniz. Tout expire chez la plupart des philosophes contemporains. Déconstruction, disséminatiom déterritorialisation, différence, tout un courant de pensée contemporain travaille sur ces syllabes dé-, dis-, qui sont devenues, en remplacement des con- et sym- classiques, les préfixes fétiches de la modernité ». Ni l’homme, ni la nature, ni le monde n’ont plus été pensés comme des ensembles: si bien qu’à la pulvérisation du réel ou du sujet ont répondu l’hétérogénéité et l’incommensuranilité des discours. L’idée de totalité, dès lors, n’a pas seulement été vue comme une illusion ou un vieux songe évanoui — « norme éternelle » d’un monde d’harmonie dont on ne pourrait plus avoir que la nostalgie — mais comme une véritable nuisance: l’envie de totalisation, la propension à vouloir « tout » englober et assimilée au totalitarisme de la pensée. Si son entreprise semble téméraire, c’est naturellement que, voulant montrer qu’un » rationalisme de la totalité, fondé sur la connaissance et non plus sur la rêverie est possible et nécessaire », Christian Gaudin est obligé de balayer (au sens du balai et du regard) quasiment tout le champ philosophique (et esthétique, politique, technoscientifique, littéraire, psychanalytique, etc.), tel qu’il s’est constitué depuis plus d’un siècle, et, en même temps, doit se dissocier des « réhabilitations » de la Totalité faites par ceux qui en font une notion fétiche et « la portent en sautoir, comme un gri-gri », illuminés et charlatans de tout poil, adeptes des médecines « naturelles » ou du New Age, »holistes », mystiques, astrologues, adorateurs du Grand Tout et tutti quanti. Il faut dire que Christian Gaudin, qui n’avait jusqu’ici écrit que quelques ouvrages à visée didactique, retrousse ses manches et, crânement, attaque l’Everest: voulant extraire la notion de totalité de sa gangue métaphysique, il recense tout, reéertorie tour ce qui a été dit pour ou contre la totalité (le mot, la représentation iconique, le rêve, l’expérience, le concept, le mythe…), commence par le symbolique et analyse (Section 1) les modalités par lesquelles, dans le psychisme humain, et l’inconscient, se manifeste le désir d’ »être tout, faire tour, tout pouvoir, tout voir, tout avoir, tout savoir, tout dire », puis, (Section IV, Livre I) étudie la manière dont « les arts et la littérature de l’Histoire de l’humanité » ont pensé, rêvé, projeté, réalisé la totalité, en lui donnant une forme sensible, musicale, cinématographique, , plastique, architecturale… Ainsi passe-t-on — mais « systématiquement »! — des mutilations du corps aux totalisations du désir, des structures névrotiques aux schémas corporels, des inscriptions sur les vases grecs aux Recherches logiques de Husserl, des miniatures indiennes aux « nombres et lettres » des traditions pythagoricienne,kabbalistique, alchimique, taoïste, des ruines aux « cathédrales-somme », de la « dialectique du tout et des parties » chez Rodin à la théorie wagnérienne du drame, de Pessoa à l’Art total, de Rubens à Eisenstein ou à Godard. Une telle encyclopédie philosophique a de quoi « sonner » ou donner le tournis, d’autant que doivent arriver, encore, les volumes sur les Sciences, sur l’Histoire, sur la Philosophie…Saura-t-on décider, une fois qu’elle sera achevée, si » le vrai est le tout » (Hegel) ou si « le tou t est le non-vrai » (Adorno) ? Sans doute pas. Mais une chose est sûre: Christian Godin, qui a autant de souffle que de culot, fait parler la philosophie comme elle avait cessé de le faire depuis belle lurette. D’une voix puissante et décidée. D’une voix de stentor.
Robert Maggiori.
(octobre 2000)
Pour expliquer son entreprise gigantesque, qui se situe entre la réflexion sur les concepts et l’encerclement encyclopédique des notions, Christian Godin part du versant opposé à celui de la totalité. Il relève, à juste titre, l’existence d’une fascination moderne et contemporaine pour le fragment et le fragmentaire. Le monde ne fait plus un tout. Pire, le tout est soupçonné d’être forcément totalitaire. Nous vivons une époque de détotalisation.
« Avec le postmoderne on s’assure ses arrières — on sait d’avance qu’il n’y aura rien derrière. Le postmoderne est le n + 1 du temps » (p. 32).
Les préfixes » dé « , » dis « , » dys » sont les piliers de cette déconstruction.
Or, voilà le pas décisif à accomplir ou à refaire :
« S’il est un concept dont la pensée ne peut se passer, c’est bien celui de totalité. Caractère qu’il partage avec celui de vérité. »
Selon Christian Godin, la ruine de la totalité conduit à la ruine du sens. Aujourd’hui règne une pensée antisystématique qui fait comme si le totalitarisme avait été le produit de la raison. Pourtant, en pensant que la totalité mène forcément au totalitarisme, on a fait comme si l’interprétation totalitaire de la totalité allait de soi. Et surtout on a méconnu le fait que les totalitarismes ont été des détotalisations. Eesprit de notre temps est corrélé à un état affectif sensible à la contingence, la facticité, l’angoisse. À la fin du XXe siècle la » totalité » a été refoulée pour de bonnes et de mauvaises raisons. Et elle réapparaît malgré tout, mais sous la pire forme, le charlatanisme, la Schwärmerei, la pansophie vaguement mystique.
Contre cela, « un rationalisme de la totalité, fondé sur la connaissance et non plus sur la rêverie, est possible, plus que possible même: nécessaire » (p. 43).
Le réel déborde la représentation que nous en faisons et mène donc à l’idée de totalité. Paradoxe étonnant, au moment où la science et la mondialisation rendent la totalité plus tangible, la philosophie refuse quasiment de considérer cette question. Comment refaire le lien entre philosophie et science ?
La science, dont l’histoire est avant tout conceptuelle, n’est en son fond que pensée (p. 113). Heidegger a tort de dire que » la science ne pense pas « . Mépris ridicule et ronflant, par lequel le domaine de la pensée est restreint à la seule méditation philosophique et poétique afin de mieux en écarter la science. Bohr, Einstein, Heisenberg, Schrödinger ont été des philosophes authentiques. D’ailleurs leurs découvertes les y contraignaient. J’ose ajouter que si Aristote revenait parmi nous, il se reconnaîtrait sans doute plus dans les questions que se posaient Einstein et Bohr ou dans celles de la biologie que dans les dialectes heideggeriens ou déconstructionnistes. Aujourd’hui, même quand la philosophie n’ignore pas les sciences contemporaines ou ne les insulte pas, en général, elle les interprète mal. Elle en extrait des métaphores ou des simplifications parfois burlesques. Par exemple, dans les sciences récentes, l’incertitude affi chée correspond à un progrès de mesure et un progrès de connaissance. Déjà sur les notions élémentaires, le dialogue entre philosophie et sciences est beaucoup trop faible et superficiel. Quant à l’autre point de départ de Christian Godin, il est purement philosophique : » L’idée de totalité est le postulat implicite de toute philosophie » (p. 54). La totalité est un horizon de la pensée. La totalité n’est pas un fait mais une idée régulatrice, il n’y a pas de savoir total (p. 55). Ce qui nous rappelle, à bon escient, que tout constat d’inachèvement se fait sur l’horizon de la totalité (p. 116). Entre micro et macro, quelle rupture et quelle continuité ? La question est au moins ouverte (p. 118).
La philosophie n’est plus la science, ni la vérité, mais rien n’empêche qu’elle se consacre au déploiement de la totalité. Et à l’universalité éthique et esthétique. » Dès que l’on n’envisage pas le tout, il n’y a pas de philosophiel. »
« Pour la première fois de l’Histoire, une civilisation peut se dire héritière de toutes les autres. Il est certain que cette mémoire totale s’est payée au prix fort d’un immense oubli: les signes ont remplacé presque partout les gestes et les objets. Nous n’avons plus les objets de nos ancêtres, ni leurs gestes, mais nous accumulons et sauvegardons leurs signes. Le patrimoine s’est toujours constitué sous la menace pressante de la destruction » (p. 132).
« De même que le vrai infini, selon Hegel, est relationnel et non pas substantiel, on pourrait établir que la vraie totalité est non pas substantielle (le tout, tout) mais relationnelle » (p. 63).
Ceci nous mène tout droit à une réflexion sur la relativité, en tant que concept scientifique, en tant que mesure d’une relation et relation d’une mesure, et non en tant que relativisme. Totalité et infini, totalité et relativité doivent être conjugués beaucoup plus qu’opposés.
C’est par les réflexions liminaires, que je viens de présenter et commenter, que Christian Godin annonce et justifie son projet de réflexion sur la notion de totalité dans toutes ses manifestations. Ce travail de reconstruction est en cours. Trois volumes sur six annoncés ont été publiés..
Dans son premier volume, trop touffu, pour être analysé ici, Christian Godin réfléchit sur la distinction To olon / To Pan, tout intensif / tout extensif, whole / all. Le tout comme structure (to holon) et le tout comme collection (to pan): il y a là une mine pour la réflexion philosophique et scientifique.
Doit-on en conclure que la totalité, pour être nécessaire, est une notion élémentaire, facile? Le » je ne méprise rien » de Leibniz, » la vue d’ensemble » de Comte que Christian Godin reprend à son compte (p. 71) ne sont pas sans risque et ne supportent pas la médiocrité. L’ambition systématique de Leibniz et plus encore celle de Hegel ont été dangereuses. Mais le sont-elles plus que la spécialisation sans frein ? Quoi qu’il en soit, rappelons que la prétention de posséder un savoir absolu sur la totalité est inquiétante et déraisonnable. Certes chez Hegel, la démesure était modérée par le fait que la totalité n’était perçue qu’a posteriori (l’oiseau de Minerve s’envolant au crépuscule) et par l’idée d’une progression lente et dialectique de l’Histoire, impossible à forcer. Et la prétention hégélienne s’accompagnait d’une certaine modération politique, parce que l’essentiel de l’Histoire était joué, et surtout parce que Hegel avait constaté que le processus révolutionnaire tombait dans l’impasse de la violence. Cette modération fut balayée par certains disciples. Alors, en effet, savoir total devient pouvoir total, puis violence totalitaire. Idée devient idole, visée devient vision, intention devient prétention.
Kant avait souligné ce danger. La totalité et le système sont des idéaux philosophiques, non des savoirs. Parler au nom de l’Absolu conduit à occuper follement le point de vue de Dieu. L’esprit critique doit commencer par reconnaître que, de notre point de vue humain, la totalité n’est pas accessible. Le voyage de la connaissance sera toujours inachevé. Ceux qui prétendent posséder le savoir de la totalité refusent de voir les limites de toute connaissance et de toute action humaines.
Mais quand sont évitées ces folies totalitaires (réductrices et fermées) plus que totalisantes (c’est-à-dire ouvertes, infinies et sensibles à la relativité), alors, loin de s’en méfier, il faut rappeler que l’exigence de totalité est enracinée dans la raison humaine. La totalité n’est qu’un horizon, mais cet horizon ne peut être éliminé, il est inhérent à la pensée humaine, y compris comme connaissance des limites. Du moins, c’est ce qui apparaît en lisant Christian Godin, faute d’avoir pu lire pour l’instant le volume consacré à la philosophie de la totalité dans la philosophie même.
Si nous devenons les observateurs de la totalisation plus que de la totalité, en procédant par curiosité scientifique plus que par prétention ontologique, et en tant que question plutôt que réponse, non seulement la connaissance de la totalité ne nous apparaît pas en déclin mais en progrès. Bien sûr, il y a le fait de la mondialisation historique. Ses derniers épisodes sont frappants, mais c’est surtout l’accumulation et l’échange des connaissances depuis deux siècles qui nous ont ouvert les portes d’une connaissance, non pas unifiée, mais multiple et complète dans toutes les disciplines, toutes les cultures, les langues et les époques.
Plus encore, les sciences contemporaines ont progressé dans les conceptualisations. La relativité physique, par exemple, est un gain de mesure et une meilleure forme de connaissance de la généralité de l’univers à travers la connaissance de la particularité de chaque point de vue. Non seulement nous constatons que les lois physiques sont les mêmes partout, mais nous sommes parvenus à connaître en quoi chaque situation constitue un point de vue différent sur ces lois et, en partie, à comprendre et mesurer pourquoi.
Le savoir est illimité, la vie est limitée, et la cause désespérée, selon Zhuangzi. Soit, cependant la connaissance des limites n’est pas une connaissance parmi d’autres mais une connaissance supérieure. Le sage chinois disait la même chose que Héraclite et tous deux se rejoignent dans le dédain de la polymathie, de l’encyclopédisme toujours épuisant et parfois brouillon. Et pourtant, le point de vue contraire est tout aussi légitime. La brièveté de la vie humaine, les ridicules du pédantisme, la nécessité du loisir ne rendent que plus noble, plus tragique en un sens, le désir d’inconnu qui se manifeste dans le désir de connaissance. Ce désir de connaître des choses multiples et diverses, et de les connaître bien, autant que » libido sciendi « , est marque d’humanité, et d’autant plus que ce désir connaît d’avance son échec. Dans cet effort dérisoire demeure l’idée que l’Humanité, comme tout, tirera profit (peut-être) de ces efforts individuels qui, quoique dérisoires, sont eux-mêmes bâtis sur des millions d’efforts humains préalables.
Gil Delannoi